Situation générale au Brésil

Nous publions cet article afin de servir de support de formation de base pour toute personne désireuse de connaître un peu mieux la situation du Brésil en général, ainsi que du mouvement révolutionnaire paysan sur place.

Le Brésil est un immense pays d’Amérique du Sud, dont la superficie équivaut à environ 15,5 fois celle de la France. C’est un pays opprimé, semi-colonial (car les puissances impérialistes en exploitent les ressources et les Hommes) et semi-féodal (car des relations de féodalité subsistent à la campagne entre des paysans-serfs et des propriétaires terriens, maintenues par le régime de capitalisme bureaucratique local).

La question de la Terre

Au Brésil, la question principale pour les révolutionnaires est donc la question de la terre. Cela signifie que la contradiction principale du pays se trouve entre la masse de paysans pauvres et moyens, et les grands propriétaires terriens qui sont la base du capitalisme bureaucratique. Les terres ne sont absolument pas réparties et une majorité écrasante appartient à de grands domaines latifundiaires (propriétaires terriens). En 2008, 60 % des surfaces rurales appartenaient à moins de 3 % des propriétaires, ce qui fait du Brésil le deuxième pays où la concentration foncière est la plus forte. A cause de cette concentration foncière on comptait environ 5 millions de familles sans terre, soit plus de 25 millions de personnes, ce qui alimente la pauvreté. Depuis, les inégalités se sont affermies et rien n’a fondamentalement changé.

Il est donc primordial de comprendre que le Brésil reste coincé à un certain de niveau de féodalisme, car la réforme agraire (c’est-à-dire la démocratisation de l’accès à la terre) telle qu’elle a été faite en France par exemple avec la révolution bourgeoise de 1789, jusqu’à un certain point, n’a jamais pu avoir lieu, du fait de la chappe de plomb de l’impérialisme. Rappelons par ailleurs que l’impérialisme français est un des principaux oppresseurs du peuple brésilien, étant le 4e/5e investisseur sur place. Cette question agraire est un des fondements de la révolution de Nouvelle Démocratie qu’il faut développer dans les pays opprimés pour jeter les bases de la Révolution Socialiste. La révolution compte donc deux étapes sans interruptions au Brésil, la première étant de réaliser la tâche de la révolution démocratique que la bourgeoisie bureaucratique ne peut pas mener, car elle n’en bénéficie pas. C’est donc le prolétariat qui dirige celle-ci, lié à la plus grande force du pays, la paysannerie, ainsi qu’à la petite-bourgeoisie et à la bourgeoisie nationale.

Le régime en place

L’opportuniste Lula du PT, devenu président fin 2022

Le régime contemporain en place prend la forme d’une république fédérale « démocratique », avec des élections présidentielles, fédérales, etc. Depuis la fin de la dictature militaire, la mascarade électorale s’est enfoncée toujours plus dans ses contradictions : à chaque élection, les politiciens du vieil Etat se montrent de plus en plus impuissants face aux grands problèmes de la société brésilienne, notamment la question de la terre. En effet, tous les présidents successifs n’ont su régler ce problème, même l’opportuniste Lula du Parti des Travailleurs (PT) et sa soi-disant « réforme agraire ». La situation dans le pays s’est même aggravée année après année, ce qui a permis le développement d’un processus de réactionnarisation de la société et de l’Etat principalement, avec une répression exacerbée, des lois toujours plus anti-peuple, et surtout la montée sur le devant de la scène de l’armée, à travers le Haut Commandement des Forces Armées (HCFA). L’objectif est, pour les militaires, de préparer un coup d’Etat préventif contre-révolutionnaire face au raz-de-marée révolutionnaire des masses.

C’est dans le contexte que nous avons décrit jusqu’ici que le mouvement révolutionnaire contemporain s’est développé dans tout le Brésil. Le point de départ est à trouver en 1995, à la Bataille de Santa Elina.

La Bataille de Santa Elina

Nous sommes au début des années 1990, au fin fond de l’État de Rondônia, à l’extrême ouest du Brésil. C’est un État extrêmement peu développé et où la pauvreté est criante. Des paysans pauvres et sans terre commencent à s’organiser pour récupérer des terres dans la communauté de Corumbiara, et obtiennent des victoires dans le sang. Alors que leur niveau d’organisation et de combativité ne fait qu’augmenter, les paysans prennent la décision de récupérer l’un des plus grands domaines fonciers de la région, la ferme « Santa Elina » : des familles venant de diverses parties de l’État, et même d’autres régions du pays ont alors commencé à entrer dans la ferme, qui compte 18 000 hectares. La nouvelle s’est rapidement répandue. Chaque jour, des dizaines de familles arrivaient, atteignant le nombre de 600. Rapidement, les paysans en lutte ont gagné le soutien des paysans moyens et des petits commerçants, qui voyaient l’importance d’avoir plus de terres entre les mains des paysans pour le développement de la région.

De l’autre côté, le soi-disant « Mouvement des Sans-Terre » (MST) de Rondônia avait jusqu’ici capitulé face aux menaces des propriétaires terriens, et non seulement dans ce contexte il n’a aucunement aidé les paysans en lutte pour la terre, mais il a dénoncé au gouvernement de l’État les noms de ceux qui dirigeaient la mobilisation. Cela n’a pas empêché les paysans de redoubler d’héroïsme et de repousser, par plusieurs fois, les attaques armées du vieil État, qui est devenu extrêmement inquiet de cette résistance farouche. Finalement, le gouverneur de l’État Valdir Raupp – avec lequel le Parti des travailleurs (PT) de Lula s’est allié depuis 1994 -, a ordonné à la Police militaire de Rondônia une action génocidaire contre les paysans. Ceux-ci ont résisté jusqu’au bout, ne voulant pas quitter la terre qu’ils avaient acquis par une dure lutte. Le bilan officiel a fait état de 16 morts, 7 disparus, et plus de 200 personnes ont gardé de graves séquelles.

Mais le moral n’était pas retombé, le peuple avait lutté autant qu’il avait pu. Un serment a été prêté par les résistants de la bataille de Santa Elina, qui ont fondé clandestinement le Movimento Camponês Corumbiara (MCC), à Jaru, le 25 février 1996. Ce serment a été prêté par les continuateurs de la lutte de Santa Elina et les fondateurs de Ligue des Paysans Pauvres (LCP), et est utilisé encore aujourd’hui :

« Nous jurons par le sang versé de nos camarades de la ferme de Santa Elina, de porter la lutte pour la terre, la démocratie, la justice et le travail jusqu’à la victoire finale, à n’importe quel prix. »

La LCP a donc été formée quelques années plus tard, dans la lignée du MCC, par la gauche de celui-ci qui voulait continuer le chemin de Santa Elina. La droite du MCC a sombré dans le banditisme et a fini par collaborer avec la réaction. La création de la LCP, lors de la 3e réunion du MCC, début 1999, s’est tenue sur deux principales orientations : la lutte combative contre le pouvoir bourgeois et les propriétaires terriens, la lutte contre la voie de la conciliation (MST, PT, etc.). Trois mots d’ordre sont la base de l’organisation, jusqu’à aujourd’hui : « servir le peuple », « compter sur nos propres forces » et « se battre pour un monde juste ». Très rapidement après la fondation, de nouvelles terres ont été prises et le mouvement s’est développé sans attendre.

Le développement de la LCP s’est fait sur le modèle de « camps », comme à Santa Elina : les paysans occupent une terre appartenant à des propriétaires terriens et organisent la vie sur celle-ci : découpage de parcelles en fonction des besoins des familles, travail collectif, écoles populaires, centre de santé, etc. Bien sûr la répression n’a jamais cessé, et s’est intensifiée toujours plus, en corrélation avec le développement du mouvement paysan. Les monopoles de la presse bourgeoise au service des propriétaires terriens accusent quotidiennement la LCP d’être des « bandits » ou un « gang », montrant leur vrai visage de dispositif de propagande anti-peuple.

Dans les camps occupés, des instances démocratiques existent. Tout d’abord, chaque semaine en général, une Assemblée Populaire est organisée :

« Les Assemblées sont la forme suprême de décision et de gouvernement, auxquelles participent tous les membres des familles paysannes. Dans les zones où elles sont déjà installées, les familles sont convoquées à l’avance. À l’appel « Assemblée, Assemblée ! », les paysans s’approchent du lieu de réunion. Les coordinateurs lancent des mots d’ordre et les chansons Conquérir la Terre, Le Risque, Bella Ciao. L’ordre du jour de l’Assemblée est présenté et si quelqu’un souhaite discuter d’un sujet imprévu, il demande son inclusion.


Lors de ces réunions, on débat sur toute la vie collective de la région ou du camp. Les paysans traitent des problèmes liés à la production, au fonctionnement des écoles, aux problèmes de santé, à l’évolution des négociations avec les organes de l’État, aux processus, à l’organisation de manifestations, à l’autodéfense, etc. Les sujets sont présentés par le responsable de chaque tâche, puis tout le monde peut donner son avis, faire des suggestions, présenter des propositions. Après la discussion, tout est soumis au vote et la décision de la majorité prend effet.


L’Assemblée délibère également sur les problèmes de conduite à l’intérieur et à l’extérieur du camp : alcoolisme, prostitution, désaccords entre camarades, etc. C’est dans les assemblées que les paysans reconnaissent la validité des mariages. Il s’agit donc de l’organe maximal dans lequel les décisions sont prises collectivement. »

Les AP appliquent donc le centralisme démocratique et sont la véritable expression de la démocratie. Pour faire en sorte que les décisions prises par la majorité soient bel et bien appliquées, et plus largement pour faire respecter les règles de la LCP et des camps, les AP élisent un Comité de Défense de la Révolution Agraire. Celui-ci est composé de quelques personnes qui sont chargé de faire respecter les décisions et les règles, c’est l’instance dirigeante entre les AP. (Source : A Nova Democracia)

Récemment, le mouvement paysan dirigé par la LCP s’est développé toujours plus, attisant à nouveau l’inquiétude et la colère du vieil Etat et de ses appendices. Depuis fin 2020, les paysans de la LCP sont harcelés et sont la cible d’opérations de la PM et de l’Armée extrêmement violentes. De nombreux camarades et activistes ont été tués dans des opérations planifiées. La guerre contre le peuple bat son plein tandis que le mouvement paysan la repousse d’un bras toujours plus puissant à chaque fois.


Pour se renseigner sur la révolution au Brésil :

En français :

Comité Nouveau Brésil : https://comitenouveaubresil.wordpress.com

En portugais :

A Nova Democracia (journal démocratique et populaire) : https://anovademocracia.com.br

Resistência Camponesa (journal de la LCP) : https://resistenciacamponesa.com

Movimento Estudantil Popular Revolucionario (Mouvement Etudiant Populaire Révolutionnaire) : https://meprbrasil.com/ / https://meprbrasil.wordpress.com/

Movimento Feminino Popular (Mouvement Féminin Populaire) : https://brasilmfp.blogspot.com/

Liga Operària (Ligue Ouvrière) : https://ligaoperaria.org.br/ Syndicat des travailleurs du bâtiment de Belo Horizonte (MARRETA) : https://sticbh.org.br/

ExNEPE (Organisation nationale des étudiants en pédagogie) : https://exnepe.org/